« …On dit que « la
vérité sort nue du puits ». Est-ce à dire que ce genre, si abondamment illustré
en peinture et en sculpture, est un modèle d’honnêteté intellectuelle et
artistique ? Le prétexte du nu est en effet trop beau pour ne pas susciter bien
des hypocrisies. Il n’en laisse pas moins de grandes œuvres, belles et émouvantes.
Et aussi, d’intenses et profonds moments de vérité qui mettent en scène l’homme
et la femme dans leur plus simple appareil, images même de la condition
humaine… ».
Ainsi débutait début 2012 le texte de présentation d’une
exposition programmée à Verrières-le-Buisson, en janvier 2012, intitulé « En
simple appareil » et consacré, bien entendu, à la nudité dans l’art, thématique
intemporelle en Occident.
Etrange formulation, étonnante omission. Dans la même
période, début 2012, le musée de Moulins (1), dépendant du Conseil général de
l’Allier, proposait une autre exposition artistique, intitulée « La vérité nue
», et menant l’enquête autour d’une allégorie qui défie désormais le temps (2).
Tout cela en prenant pour point de départ une œuvre appartenant à ce même
musée, « La Vérité sortant du puits », du peintre Jean-Léon Gérome (1824-1904).
Chef d’œuvre de la collection du musée de Moulins, cette œuvre a fait sensation
lors de l’exposition internationale consacrée à l’artiste qui s’est tenue en
2010 et 2010 à Los Angeles, Paris et Madrid. « …Peinture surprenante dans la
production de l’artiste, c’est un magistral coup de fouet visuel qui marque à
jamais le visiteur ! Souvent moquée, parfois critiquée, jamais oubliée, cette
peinture a déchainé les interprétations… ».
Partant de cette œuvre, datant de la fin du XIXe siècle,
plusieurs historiens d’art réputés, telle Dominique de Font-Réaulx,
conservateur en chef au musée du Louvre, ont menée l’enquête pour « …comprendre
les intentions artistiques de Gérome et de ses contemporains… ». Car cette
thématique se retrouve aussi sur le plafond magistral de la Comédie Française,
dans le somptueux décor d’un hôtel parisien, etc. De même que l’idée de « La
vérité nue » se retrouve déjà dans des tableaux de Botticelli, au XVe siècle. «
…Mais la Vérité de Botticelli n’est pas seulement pudique et modeste, elle est
la sœur triomphante de ses Vénus… ».
En fait, au tout début, la vérité était simplement
représentée nue, dévoilée, sans artifice, et brandissant un miroir (ou un soleil),
pour éclairer le monde, comme dans les œuvres de Botticelli (1445), Audran
(1640), Lefèvre (1835), Dubuffe (1885), Delaunay (1888)…jusqu’à l’affaire
Dreyfus (1890) et le célèbre « J’accuse » de Zola publié dans le Figaro,
reprenant l’allégorie pour défendre l’accusé. Dans la foulée, les artistes
dreyfusards, tel Baudry ou Gérome, s’emparèrent du sujet, et exprimèrent chacun
à leur façon comment la Vérité, un jour, sortirait du puits où la calomnie et
le mensonge l’avaient enfermé, pour éclairer le monde, dans toute sa nudité.
Pour Gérome, cette Vérité, bien que nue, n’était pas pour autant souriante et
avenante, puisque venue exprimée une saine colère !
Depuis, la phrase est restée dans les mémoires, devenue
comme un leitmotiv pour certains, en oubliant toute référence allégorique, et
toute connaissance artistique. Dommage.
(1) Musée
Anne-de-Beaujeu et Maison Mantin, place du Colonel Laussedat 03000 Moulins –
Tél : 04.70.20.48.47 – Mail : musee-a-beaujeu@cg03.fr – Web : Musée de Moulins .
(2) le dossier de presse de cette exposition est toujours disponible sur le site du musée, présentant les différentes œuvres rassemblées pour cette
enquête artistique, avec les textes d’explication
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